Les crypto-monnaies séduisent de plus en plus d’investisseurs bien que ces actifs soient volatiles et comportent certains risques notamment financiers et informatiques.
Les crypto-monnaies telles que le Bitcoin, l’Ethérum, le Cardano, le Ripple, le Polkadot… ne cessent de faire parler d’elles. Ces monnaies virtuelles reposant sur la technologie de la blockchain soulèvent de nombreuses questions juridiques et fiscales. En 2021, le Ministère de l’Economie et des Finances dénombrait 5 023 crypto-monnaies en circulation dans le monde.
En France métropolitaine, un cadre légal et réglementaire se met progressivement en place pour appréhender ces nouveaux actifs numériques. Ces crypto-monnaies ne restent toutefois pas réglementées en matière de droit bancaire et financier. Ainsi, les crypto-monnaies n’ont pas à ce jour de statut légal explicite et leur encadrement par les pouvoirs publics n’en est qu’à ses balbutiements.
En Nouvelle-Calédonie, il n’existe pas à ce jour de corpus de règles spécifiques en matière de fiscalité afférents aux crypto-monnaies. Or, la détention de tels « actifs numériques » soulève en pratique de nombreuses interrogations.
Par la présente étude, nous tenterons de répondre à deux questions qui mériteraient sans doute de faire l’objet de précisions de la part de la Direction des Services Fiscaux de Nouvelle-Calédonie :
1.L’imposition des plus-values afférentes à la vente de crypto-monnaies par un particulier
a. Si la plus-value est réalisée de manière occasionnelle
Il n’existe pas à ce jour en Nouvelle-Calédonie d’imposition sur la plus-value mobilière réalisée de manière occasionnelle par les particuliers.
En d’autres termes, la plus-value réalisée par les personnes physiques résidentes de Nouvelle-Calédonie au sens des articles 48 et suivants du code des impôts à la suite de la vente à titre onéreux réalisée de manière occasionnelle d’une crypto-monnaie, n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu (IRPP).
b. Si la plus-value est réalisée de manière habituelle
Le caractère habituel de l’activité
Toutefois, dès lors que l’achat et la vente de crypto-actifs relève d’une pratique « habituelle », les plus-values de cession réalisées devraient en principe être imposées car relevant d’une activité professionnelle. Il n’existe pas de définition fiscale spécifique de la notion d’habitude, une appréciation au cas par cas doit alors être menée.
En pratique, l'appréciation des critères « d'exercice habituel d'une activité » résulte de l'examen au cas par cas des circonstances de fait dans lesquelles les opérations sont réalisées (délais séparant les dates d'achat et de revente, nombre d'actifs numériques vendus, conditions de leur acquisition…).
Ainsi, une personne réalisant une activité régulière de trading de crypto-actifs lui procurant l’essentiel de ses revenus devrait être considérée non pas comme un simple particulier exerçant de manière occasionnelle mais comme un professionnel exerçant l’activité de manière habituelle. A ce titre, cette personne devrait effectuer certaines formalités juridiques, fiscales et sociales pour déclarer l’exercice de son activité.
La nature juridique de la crypto-monnaie
L’article L. 110-1 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie répute notamment acte de commerce toute acquisition de biens meubles aux fins de les revendre.
Brièvement, dans la mesure où une crypto-monnaie constitue un actif numérique (« digital asset »), elle devrait en toute logique correspondre juridiquement à un bien meuble incorporel au regard des règles du Code civil applicable en Nouvelle-Calédonie (Art. 516 et suivants C.civ).
Le régime fiscal applicable
En France métropolitaine, à compter du 1er janvier 2023, l’article 70 de loi de finances 2022 modifie les dispositions de l’article 92,1° bis du CGI concernant les bénéfices non commerciaux (BNC) qui prévoient désormais que sont imposables dans la catégorie des BNC « les produits des opérations d'achat, de vente et d'échange d'actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations ». Cet article a permis en pratique d’aligner les dispositions relatives aux opérations sur actifs numériques sur celles applicables aux opérations de bourse.
Toutefois, le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ne contient pas de disposition fiscale équivalente rattachant ainsi de manière expresse les produits tirés de l’achat-revente de crypto-monnaies réalisés à titre professionnel au régime des BNC.
L’article 64 du code des impôts précise simplement que présentent le caractère de bénéfices industriels et commerciaux (BIC) « les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale ». Or, dans la mesure où le contribuable réalisant des opérations d’achat-revente de crypto-actifs de manière régulière effectue des « actes de commerce » au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce, il devrait selon nous et en l’absence de dispositions spécifiques dans le code des impôts, être imposé selon le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
Cette position était celle applicable en métropole jusqu’au 31 décembre 2022, c’est-à-dire antérieurement à l’application de l’article 70 de loi de finances 2022 et donc à la modification de l’article 92 du Code Général des Impôts.
En effet, la doctrine administrative métropolitaine (BOI-BIC-CHAMP-60-50), non applicable en Nouvelle-Calédonie certes mais commentant des dispositions (Article 34 du CGI) similaires à celles de l’article 64 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie
définissant les BIC au niveau fiscal considérait que « l'achat-revente d'actifs numériques exercé à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des BIC ».
Selon notre analyse donc, à défaut de modification de l’article 99 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie définissant les BNC, la plus-value afférente à une activité habituelle d’achat-revente de crypto-monnaie devrait être imposée selon le régime des BIC.
2. L’imposition de l’activité de « minage » de crypto-monnaie
L’article 99 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie définissant les BNC dispose que « sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçant et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
Cet article est inspiré des dispositions de l’article 92 du Code Général des Impôts métropolitain et permet de rattacher aux BNC toute activité ne se rattachant pas à une autre catégorie.
Or, le Conseil d’Etat, dans plusieurs arrêts en date du 26 avril 2018, a considéré sur la base de cet article que, lorsqu'ils constituent la contrepartie de la participation du contribuable à « la création ou au fonctionnement du système d’unité de compte virtuelle », les produits tirés de cette activité sont susceptibles de relever des dispositions de l'article 92 du CGI.
La doctrine administrative métropolitaine est venue préciser que la notion de « création ou de fonctionnement du système d’unité de compte virtuelle » vise en pratique l’activité dite de « minage ». A ce titre, les services fiscaux métropolitains considèrent que « le résultat imposable tiré de cette activité est déterminé conformément aux règles de droit commun applicables aux bénéfices non commerciaux » (BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40).
La doctrine métropolitaine n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, en l’espèce, elle reprend des solutions jurisprudentielles rendues sur la base de dispositions métropolitaines similaires aux dispositions calédoniennes.
A ce titre, il est loisible de penser que le raisonnement du Conseil d’Etat - visant à considérer que les produits tirés de l’activité de minage de crypto-monnaies sont à déclarer dans la catégorie des BNC - est également valable en Nouvelle-Calédonie.
L’analyse développée ci-dessus se fonde sur une analogie par rapport aux textes et solutions applicables en France Métropolitaine.
Dans la mesure où il existe des spécificités introduites dans le Code Général des Impôts métropolitain à compter du 1er janvier 2023, il nous paraît opportun que le sujet de la fiscalité des crypto-monnaies et plus généralement des différentes problématiques liées à l’univers de la blockchain
fassent l’objet d’éclaircissements de la part des services fiscaux calédoniens.
Jérémy ROTKOPF
Fiscaliste
jrotkopf@kpmg.nc
KPMG Nouméa
Ajouté le 26/01/2023 à 09:33